Le Sortilège

Il y a fort longtemps, dans les Pyrénées, vivait une jeune femme dans un village situé en bordure d’une forêt. On la disait un peu sorcière car étant guérisseuse, elle connaissait bien de secrets de la nature.
Voyant bien qu’elle faisait un peu peur aux autres villageois, elle avait construit sa maison dans la forêt, pas trop loin du village pour que ceux qui avaient besoin d’elle puissent faire appel à ses services.
Pendant plusieurs années, elle vécu comme ça, aidant tout ceux qui en avaient besoin: les malades, les femmes enceintes, ...
Un jour une bande de brigands arriva au village, pillant, saccageant, … En arrivant à la maison d’Annette, la guérisseuse, l’un d’eux la viola. Vous vous en doutez, lors de ce viol fut engendré un enfant. Avant qu’il ne vienne à terme, Annette voulu s’en débarrasser car elle ne voulait pas d’un tel bâtard. Elle utilisa toutes les solutions pour un avortement qu’elle connaissait, aucune n’eut de résultat; elle en trouva d’autres grâce à ses connaissances, mais rien n’y faisait, l’enfant restait accroché et elle due se résigner à le garder, espérant même que ce soit une fille pour pouvoir lui transmettre son savoir. Puisque l’enfant s’accrochait autant c’est qu’il avait quelques dispositions.
Quand l’heure fut venu, Annette se prépara à accoucher. Il fallait qu’elle le fasse seule car il n’y avait pas d’autre guérisseuse dans la région. L’enfant naquit enfin: une belle petite fille avec des joues bien ronde et des cheveux très blonds. Le petit air de famille fit sourire Annette. Elle choisi de l’appeler Louison.

Pendant plusieurs années, elle lui appris à connaitre la forêt, les plantes avec leurs bienfaits …
Louison allait également jouer au village avec les autres enfants et bien qu’elle soit la fille de la guérisseuse, tout le monde l’aimait car elle était très rieuse.

Une année, Annette tomba malade et toute sa science des plantes ne lui fut d’aucun secours. Un soir, alors qu’un orage grondait, que les éclairs illuminaient le ciel, elle perdit connaissance. Louison, dans la nuit, ayant peur de l’orage (elle n’avait que six ans) voulu aller se blottir contre elle, mais elle s’aperçut bien vite que sa mère ne bougeait pas. Elle la secoua pour la réveiller, mais Annette ne bougeait toujours pas. Alors comprenant que sa mère était malade, Louison, malgré sa peur, décida d’aller au village pour demander de l’aide.
Elle sorti de la maison, mais la pluie brouillant sa vision, les éclairs déformant les perspectives, elle finit par se perdre. Lorsqu’elle s’en aperçu, elle voulu faire demi-tour mais elle ne su retrouver le chemin de sa maison.

Pendant ce temps, au village, certaines personnes se faisaient du soucis pour la guérisseuse et sa fille, toutes seules dans la forêt par un orage pareil. Ils décidèrent donc que quand l’orage se calmerait un peu ils iraient les chercher pour les mettre dans un abris plus sûr.
Lors d’une accalmie, quelques villageois partirent dans la forêt. Lorsqu’ils arrivèrent à la maison de la guérisseuse, ils trouvèrent Annette allongée sur le lit, sans vie, et aucune trace de Louison. Certains descendirent Annette au village et d’autres partirent à la recherche de Louison dans la forêt; mais la pluie qui était tombée pendant l’orage avait effacé toute trace et ils ne purent retrouver la petite fille.

Pendant ce temps, Louison avait continué d’avancer dans la forêt. Elle avait cherché le village et sa maison pendant longtemps, mais rien à faire, elle n’arrivait pas à se reconnaitre. Sa recherche dura plusieurs jours pendant lesquels elle se nourrit de racines, de fruits ...
Un soir elle s’était appuyé contre un arbre pour se reposer quand elle vit des yeux qui l’observaient depuis les fourrés avoisinants. Elle se mit à trembler de peur car elle pensa de suite a une meute de loups. Et en effet, c’était bien des loups qui l’observaient et qui petit à petit se rapprochaient d’elle. Lorsqu’ils ne furent qu’à cinq ou six mètres de la jeune fille, ils s’arrêtèrent, s’allongèrent et attendirent. Louison quant à elle tremblait tellement que ses dents s’entrechoquaient.
Les loups restèrent là des heures entières et Louison finit par se rassurer en se disant que s’ils avaient voulu la manger, il y a longtemps qu’ils l’auraient fait. Se décontractant donc peu à peu, elle finit par s’endormir.

Elle fut réveillée par quelque chose de râpeux sur son visage et lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle poussa un cri de peur faisant ainsi fuir la louve qui lui léchait la figure. Alors qu’elle se redressait contre l’arbre, Louison aperçu à ses pieds des fruits et un lapin égorgé. Elle se demanda qui avait bien pu lui apporter cette nourriture, elle ne voyait en effet autour d’elle que des loups qui l’observaient de leurs yeux vifs. Comme elle avait très faim, elle se mit à manger les fruits, mais elle ne toucha pas au lapin, n’appréciant pas la viande crue et étant trop fatiguée pour faire du feu. Après son repas, elle se recroquevilla à nouveau et se rendormi. Elle fut à nouveau réveillée par la louve avec à nouveau à ses pieds des fruits et un lapin. Ce manège se reproduisit plusieurs fois sans que les autres loups ne bougent si ce n’est un mouvement de recul quand Louison alluma un feu pour faire cuire le lapin. La petite fille avait maintenant tout à fait accepté la compagnie des loups et commençait à jouer avec les petits louveteaux de la meute. Certains lui rappelait les enfants du village et pour s’amuser elle leur donna les noms de ses camarades de jeux.

Lorsqu’un jour un des loups s’approcha d’elle et la poussa du museau, elle compris qu’il était temps pour eux de partir et qu’ils lui demandaient de venir avec eux. Ne sachant pas ce qu’elle pourrait faire toute seule, elle accepta de les suivre.
Elle vécue avec eux, dans leur tanières pendant plusieurs années. Mais même si elle marchait très souvent à quatre pattes pour jouer avec eux, elle n’oubliait pas qu’elle n’était pas un loup et s’était promis qu’un jour elle retournerait dans son village et qu’elle retrouverait sa mère: elle n’imaginait pas que sa mère pouvait être morte et elle lui manquait énormément.

Un jour elle s’approcha du chef de la meute et par gestes, par sons, par mots, elle lui dit qu’elle devait maintenant les quitter, qu’il était temps pour elle de retourner dans son village, mais qu’elle était bien triste des les quitter. Le chef des loups lui signifia alors qu’ils savait qu’un jour elle partirait mais qu’il ne voulait pas qu’elle parte seule, il demanda à deux loups élevés avec elle de l’accompagner. Ainsi partirent Louison et deux loups à la recherche du village.

Ils marchèrent des jours, des semaines, des mois sans que Louison reconnaisse les alentours de son village. Pourtant quelque chose lui disait qu’elle était dans la bonne direction.
Un jour Louison et les deux loups furent attaqués par une bande de brigands. Dans la bataille, un des loups fut tué, mais les brigands biens amochés s’enfuirent à toute vitesse.
Louison enterra son compagnon mort et suivi de l’autre loup continua sa quête.
Enfin, Louison et son ami arrivèrent dans une clairière qu’elle reconnu comme étant celle où elle venait jouer avec ses petits camarades du village. Certes des arbres avaient poussés, d’autres étaient tombés, mais le gros chêne dans lequel elle était monté si souvent était bien là. Elle était tellement contente qu’elle se mit à danser. Le loup la voyant si joyeuse se mit à sauter autour d’elle partageant sa bonne humeur.

Une fois sa joie calmée, Louison s’approcha du gros chêne, ferma les yeux pour se concentrer et se mit à marcher en essayant de retrouver ses souvenirs de petite fille. Elle s’évertua à faire des pas de la longueurs de ceux qu’elle devait faire lorsqu’elle avait cinq ans. Après s’être cogné à quelques arbres elle rouvrit les yeux et vit sa maison devant elle. Elle se mit à courir en appelant Annette mais personne ne répondit et elle s’aperçut bien vite que la maison était inoccupée depuis longtemps. La vigne vierge avait soulevé le toit et les dégâts causés par le intempéries étaient très nombreux.

Louison entra dans la maison, les étagères s’étaient affaissées, le toit s’écroulait. Tout était délabré. Déçue Louison s’assis sur une chaise qui tenait encore debout et posant les coudes sur la table se mis à pleurer à chaudes larmes.
Le loup, après avoir hésité longtemps à l’extérieur et ne la revoyant pas revenir, avait vaincu sa peur et était entré dans la maison. Il s’était ensuite allongé à ses pieds, paisibles, comme si rien dans cette maison ne pouvait l’atteindre.

Louison resta là des heures. La tête vide, lorsqu’elle entendit les cloches du village. Elle se leva d’un bond, se précipita à la porte, dit au loup qui commençait à la suivre, de l’attendre là. Il retourna sagement près de la chaise et s’allongea. Louison se mit à courir vers le village. Le chemin lui non plus n’était pas entretenu. Mais pourquoi l’aurait-il été puisque la maison était abandonnée?

Lorsqu’elle arriva au village, elle fut surprise par le silence qui y régnait, si l’on exceptait bien entendu les cloches qui sonnaient toujours. Elle s’avança vers l’église, de plus en plus inquiète de ne voir personne dans les rues, les maisons aussi avaient l’air d’être abandonnées.
Arrivée à l’église, elle poussa la porte pensant trouver du monde derrière, mais non, toujours personne. Elle appela le curé: puisque les cloches sonnaient, c’était que quelqu’un tirait les cordes, mais le curé ne vint pas. Louison s’approcha alors pour voir qui sonnait les cloches si ce n’était pas le curé. Elle se trouva face à face avec une vielle femme qu’elle ne connaissait pas du village.
Elle lui demanda pourquoi elle sonnait les cloches et la vielle lui répondit qu’il fallait bien que quelqu’un le fasse puisque les gens étaient partis. A toutes les questions qui lui posait Louison, la vielle femme répondait la même chose: que les gens étaient partis et qu’il fallait bien que quelqu’un sonne les cloches.

Au bout d’un moment, Louison se dit que la vielle devait être folle, surement que le coup qui lui avait laissé cette horrible cicatrice au cou avait due lui faire perdre un peu la raison. Elle quitta donc l’église, laissant la vielle à ses cordes et partit dans le village. Ses pas l’amenèrent au cimetière, abandonné comme le reste, si ce n’est une tombe recouverte d’une herbe bien verte parsemée de fleurs. Louison s’approcha de cette tombe, très intriguée et lorsque sur la croix elle lu le nom de sa mère, elle cru se trouver mal.
Au fond d’elle même, elle avait toujours gardé l’espoir de revoir sa mère vivante et de voir sa tombe sans avertissement lui fit un choc. Elle regarda les autres croix et s’aperçut que celle de sa mère était la plus récente et qu’elle datait du moment où elle, Louison, avait quitté le village. Elle se demanda pourquoi les gens avaient abandonné le village après son départ (si l’on exceptait la vielle folle qu’elle ne se souvenait pas d’avoir déjà vu). Pensant trouver une réponse dans une des maisons, elle se mit à fouiller le village.
Elle ressentait un malaise au fur et à mesure de sa fouille car elle avait l’impression que les gens n’étaient pas partie mais qu’ils avaient disparu d’un seul coup: leurs affaires étaient encore dans leurs maisons. Dans l’une d’elles, elle trouva un livre, un vieux livre.
Et chose curieuse, ce livre appartenait à sa mère. Comment pouvait-il être au village? Ce livre, combien de fois avait-elle eu envie de l’ouvrir malgré l’interdiction formelle de sa mère. Elle se dit que la clé de tous les mystères devait se trouver à l’intérieur. Elle l’emporta donc dans la maison, dans la forêt.

Là, avec le loup couché à ses pieds, elle commença à le lire, il parlait surtout de magie, de sorcellerie. Elle sauta les passages d’incantations sans rien trouver de bien intéressant. Mais à la fin de l’ouvrage, il y avait quelque chose d’écrit d’une autre écriture. Il y était raconté comment, à une époque, vivait au village une guérisseuse qui terrorisait tout le monde par sa sorcellerie. Un jour les villageois décidèrent de la bruler pour se débarrasser d’elle. Sur le bûcher, elle leur dit qu’elle se vengerait et qu’un jour une guérisseuse mourait d’un mal inconnu, qu’à ce moment là, tous les villageois mouraient et elle, elle reviendrait savourer sa victoire.
A la suite de ce passage, Louison reconnu l’écriture de sa mère, certes l’écriture était tremblotante, mais c’était bien celle d’Annette. Elle lu avidement la suite. Sa mère expliquait que c’était elle la guérisseuse qui allait mourir car elle était déjà atteinte par le mal et n’arrivait pas à se soigner. Elle expliquait ensuite qu’elle avait jeté un sort aux villageois pour qu’à sa mort, ils se transforment en loups, seules bêtes que craignait la vielle sorcière. Elle s’était également arrangée pour que Louison ne revienne plus au village.
En arrivant à la fin du texte, Louison se mit à trembler, réalisant qu’elle risquait de donner un moyen à la vieille sorcière d’accomplir sa vengeance. A ce moment là, elle entendit un rire affreux à l’extérieur et comprenant que l’heure de l’affrontement était arrivé, elle sorti de la maison pour se retrouver face à face avec la vieille de l’église.
S’engagea alors un combat de sorcellerie comme on n’en avait jamais vu (ou entendu). Et Louison qui n’avait jamais fait de sorcellerie commençait à perdre un peu pied quand dans sa tête elle entendit sa mère qui lui disait les formules à répliquer à la vieille sorcière.
Pendant ce temps, le loup était sorti de la maison et alla prêter main forte à Louison. Quand elle le vit, la sorcière commença à reculer, mais le loup lui sauta à la gorge. Louison remarqua qu’il l’avait égorgé au niveau de la cicatrice comme si celle-ci provenait de cet égorgement ...
Au moment ou la sorcière mourut, retentit dans la forêt un hurlement terrifiant. En fait c’était les loups qui avaient élevé Louison et qui l’avaient suivie, qui reprenaient apparence humaine et qui poussaient un cri de joie. En face de Louison, se tenait un jeune homme en qui elle reconnu un de ses camarades de jeu du village.

La vengeance de la vieille sorcière n’avait pas réussi et les villageois avaient repris leurs occupations.
Louison avait restauré la maison de sa mère et s’était installée comme guérisseuse. Tous les jours elle allait sur la tombe de sa mère pour lui demander des conseils, mais il n’y eu plus de petites voix dans sa tête.